« Tous les enfants ont droit à l’éducation » : ce principe, énoncé dans les plus grandes conventions internationales, résonne comme un impératif moral, juridique et social. Pourtant, en Côte d’Ivoire, ce droit fondamental est aujourd’hui gravement mis à mal par les grèves répétées dans le secteur de l’éducation publique.
Depuis plusieurs mois, les salles de classe restent désespérément vides, les tableaux silencieux, les cours suspendus. Cette situation dramatique n’est pas anodine. Elle résulte d’un conflit profond entre l’État et les syndicats d’enseignants. Mais derrière ce bras de fer institutionnel, ce sont les enfants les plus vulnérables qui en paient le plus lourd tribut.
Il est donc urgent de s’interroger : Quelles sont les causes réelles de ces grèves ? Quel est leur impact sur le droit à l’éducation des enfants ? Et surtout, quelles solutions peuvent être envisagées pour préserver ce droit inaliénable ?
I. Les causes profondes des grèves incessantes dans le secteur éducatif ivoirien
Le mouvement de grève qui secoue actuellement le système éducatif ivoirien trouve ses origines dans des revendications syndicales anciennes mais non satisfaites. Depuis octobre 2024, deux grands regroupements syndicaux notamment l’Intersyndical du Ministère de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation (IS MENA) et celui du Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Apprentissage (IS METFPA) ont multiplié les appels à la grève.
Ces syndicats revendiquent principalement :
- L’octroi d’une prime d’incitation pour les fonctionnaires du secteur Éducation-Formation ;
- Le respect des libertés syndicales, souvent remises en question par l’administration.
Malgré l’ouverture de discussions avec le ministère en charge de la fonction publique, les enseignants affirment qu’aucune avancée concrète n’a été faite. C’est dans ce climat de frustration que s’est tenue la dernière grève du 3 au 4 avril 2025, qualifiée d’« illégale et inopportune » par la Ministre d’État, Anne Désirée OULOTO, dans son communiqué du 5 avril.
Face à l’impasse, le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) s’est saisi de la question, initiant des rencontres de dialogue entre les parties. Toutefois, malgré ces efforts, la grève se poursuit, paralysant toujours la majorité des établissements publics à travers le pays.
II. Une crise aux conséquences alarmantes sur le droit à l’éducation des enfants
Le droit à l’éducation est un droit fondamental reconnu et protégé tant par les instruments internationaux que par la législation nationale ivoirienne. Or, cette crise compromet sérieusement son effectivité :
- L’interruption prolongée des cours prive les enfants d’un accès continu au savoir ;
- Les perturbations répétées désorganisent le calendrier scolaire, rendant difficile l’atteinte des objectifs pédagogiques ;
- L’absence d’un cadre structuré d’apprentissage nuit à la concentration, à la motivation et à la performance scolaire des élèves ;
- La reprise précipitée des cours post-grève entraîne souvent un enseignement bâclé, au détriment de la qualité ;
- Les enfants les plus vulnérables issus de milieux défavorisés ou vivant en zone rurale sont encore plus affectés, car ils n’ont pas les moyens de recourir à des soutiens scolaires privés ;
- Le goût de l’effort et l’amour de l’apprentissage peuvent s’éroder chez l’élève, compromettant ainsi durablement son parcours académique.
Au-delà de l’année scolaire actuelle, c’est tout l’avenir de la jeunesse ivoirienne qui est en péril. Face à cette urgence sociale, éducative et humaine, un sursaut collectif s’impose.
III. Responsabilités partagées pour une sortie de crise durable et respectueuse des droits de l’enfant
A. L’État, garant constitutionnel du droit à l’éducation
En vertu de l’article 9 de la Constitution ivoirienne, l’éducation est un droit fondamental. L’État et les collectivités publiques ont l’obligation de garantir ce droit, en assurant un accès équitable, gratuit et de qualité à l’enseignement pour tous les enfants, sur tout le territoire.
À cela s’ajoutent les engagements internationaux, notamment :
- L’article 28 de la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant, qui garantit le droit de l’enfant à l’éducation ;
- L’article 3 de la même convention, qui impose que l’intérêt supérieur de l’enfant prime dans toutes décisions le concernant ;
- L’article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui proclame l’éducation comme un droit universel.
Face à cette crise, l’État doit agir avec responsabilité, ouverture et sens de l’écoute. Il lui revient de favoriser le dialogue social sincère et constructif avec les syndicats, de prendre en compte les revendications légitimes des enseignants tout en préservant le droit des enfants à l’éducation.
L’État doit adopter une posture de médiateur éclairé et protecteur, garantissant à la fois le respect des libertés syndicales et la continuité du service public de l’éducation.
B. Les enseignants, dépositaires du savoir et piliers de la société
Les enseignants, bien qu’acteurs de revendications légitimes, sont aussi les piliers de la transmission du savoir, de la formation des consciences, de la construction des citoyens de demain. Ils entretiennent une relation affective et pédagogique unique avec les enfants, dont ils connaissent les fragilités et les potentialités.
Il leur revient donc, dans cette situation critique, de mesurer l’impact profond de la grève sur l’avenir de leurs élèves, et de rechercher avec courage et humanisme des modes d’action qui n’excluent pas le dialogue ni le compromis. Revendiquer sans bloquer l’accès à l’éducation est un défi difficile, mais nécessaire, surtout dans un contexte de tension sociale généralisée.
Conclusion : Un appel à la responsabilité collective
Cette crise ne saurait perdurer sans dommages irréversibles pour toute une génération.
Il est temps pour les pouvoirs publics, les syndicats, les enseignants et les acteurs de la société civile de prendre la pleine mesure de leurs responsabilités et de renouer le dialogue. Il en va de l’avenir d’un pays, car nul développement durable n’est possible sans une éducation stable, accessible et de qualité.
Enfin, cette situation interpelle plus largement : qu’en est-il du droit à l’éducation des enfants vivant dans les zones rurales, souvent laissés pour compte, et qui subissent de plein fouet les conséquences de ces crises répétées ?
L’enfant ne peut être pris en otage d’un conflit d’adultes. Son avenir ne peut être compromis par des jeux de pouvoir.
Il est temps d’agir. Pour l’enfant. Pour la nation.
Judas N’GUESSAN
Juriste Consultant Indépendant | Spécialiste en droit international des droits de l’homme| Responsable du pôle chargé des affaires sociales, des investigations et du contentieux du RéJADE.
judanguessan35@gmail.com / +225 07 57 64 66 17
Une réponse
Apres lecture de cet article , il convient de retenir la greve des syndicats d’enseignants en cote divoire portera atteite aux droit à l’ education de l’enfant qui est en principe casacre par des conventions internationales dont le pays en question est partie signataire de ces conventions internationalers qui gatantisent le droit à l’education des enfants. En effet, le gouvernement ivarien est le premier responsable dans cette atteinte aux droits d’accés à l’éducation surtout les enfants les plus vulnerables mais aussi, on peut noter une part de responsabilité des syndicats d’enseignements qui sont avant tout des parents d’éleves
En somme, pour une solution durable à cette crise scolaire , nous appelons les parties de se reunir au tour d’une table pour trouver des solutions dans l’interet des enfants ivoiriens
Tobo Soukel BALDE,jURISTE EN FORMATION A L’UNIVERSITE ASSANE SECK DE ZIGUINCHOR/SENEGAL