ÉCHANGÉES POUR DES PIÈCES DE MONNAIES AU BÉNIN

ÉCHANGÉES POUR DES PIÈCES DE MONNAIES AU BÉNIN

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Le mariage, si certains décident librement du choix de leur partenaire de vie, ce qui est d’ailleurs la norme, d’autres se voient retirer ce droit. Encore plus surprenant, cette situation survient dans l’enfance, période pendant laquelle la fille découvre la vie, toute innocente et ignorante. 12 millions, c’est le nombre de filles mariées chaque année dans l’enfance selon l’ONU. Parfois, c’est dès le sein maternel que la famille lui attribue un époux. Vous semblez surpris ! Sachez que vous vous étonnerez 3 fois plus après avoir exploré les méandres de cette pratique dans le contexte béninois.

Selon l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance, chargé de la protection des enfants), le mariage précoce ou mariage d’enfants désigne tout mariage officiel ou toute union non officialisée entre un enfant de moins de 18 ans et un adulte ou un autre enfant. Ce mariage peut donc être scellé religieusement ou traditionnellement en famille, mais jamais légalement au Bénin. L’union est décidée par les parents ou les tuteurs de l’enfant, sans consultation de ce dernier qui devient une victime sans défense, contrainte d’accepter son sort et d’en vivre les effets. Dès que la fille a ses premières menstrues, elle rejoint son époux.

Ce phénomène touche beaucoup plus de filles que de garçons, si bien que l’UNICEF affirme que 26 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans au Bénin. D’après les chiffres du Système intégré des données relatives à la famille, la femme et l’enfant, nouvelle génération (SIDOFFE-NG) du Bénin, 457 filles âgées de 10 à 17 ans ont été mariées contre 5 garçons de 10 à 17 ans pendant la période de janvier 2024 à janvier 2025. On comprend donc que l’enfant de sexe féminin est le plus exposé à cette pratique traditionnelle qui constitue une violence faite aux enfants.

Les données des MICS (enquêtes en grappes à indicateurs multiples) nous apprennent que le mariage des filles demeure une habitude très ancrée dans les départements du nord du Bénin.

  • Borgou (33,2 %)
  • Donga (32,6 %)
  • Alibori (36,6 %) et
  • Atacora (34 %)

Trois types de mariages d’enfants sont pratiqués dans le nord du Bénin. Le premier, qui est le type le plus habituel, consiste à donner la fille en mariage sans son consentement après discussion des deux familles. Le second consiste à pratiquer un échange de filles entre deux familles. Quant au troisième, c’est un rapt pendant lequel, la famille du futur mari enlève la jeune enfant de la cour familiale pour la conduire au domicile conjugal sur accord de ses parents en vue de la consommation de l’union. Pourquoi donc cette pratique ?

À l’instar des violences faites aux femmes et aux filles en général, le mariage forcé d’enfants est principalement dû à des causes culturelles et traditionnelles. C’est soit pour respecter la tradition ou pour préserver l’honneur de la famille. Les parents veulent éviter que la fille se déprave en grandissant au contact des garçons, qu’elle contracte une grossesse hors mariage. Mais plus encore, l’union forcée des filles survient généralement à cause de la pauvreté. Les parents échangent leur fille pour de l’argent, des vivres, du bétail, des terres et pour qu’elle devienne une charge en moins. De plus, la famille compte sur la générosité du gendre pour la soutenir financièrement après ce mariage.

Le mariage précoce a des répercussions dévastatrices et prive des millions de filles de leur enfance, compromet leur avenir et limite leurs opportunités de développement.

Sur le plan sanitaire, ces petites filles mariées précocement sont exposées à de nombreux risques. Physiquement, leur corps n’est souvent pas prêt pour une grossesse, ce qui entraîne un taux élevé de complications obstétricales, notamment des fistules obstétricales, des accouchements prématurés et un risque accru de mortalité maternelle. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les complications liées à la grossesse et à l’accouchement sont parmi les principales causes de décès des filles âgées de 15 à 19 ans.

Cette union favorise également la transmission de maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH, car les jeunes filles n’ont pas le pouvoir pour négocier l’usage de protections ou refuser des rapports sexuels non désirés. Par ailleurs, l’impact psychologique est considérable et de nombreuses jeunes épouses souffrent d’anxiété, de dépression et d’un sentiment d’isolement, particulièrement en raison des violences domestiques qu’elles subissent fréquemment.

Sur le plan éducatif, le mariage précoce constitue un obstacle majeur. Lorsqu’une enfant se marie tôt, elle abandonne l’école dans 80 % des cas, ce qui limite considérablement ses perspectives. La nation perd ainsi une grande partie de l’élite qui devrait contribuer à son développement. Sans éducation, la fille a peu d’opportunités économiques et reste souvent dépendante financièrement de son mari. Cela perpétue un cycle de pauvreté intergénérationnel, car une mère non éduquée est moins encline à scolariser ses propres filles.

Le mariage des filles est une violation flagrante des droits de l’enfant et constitue aussi une violence à l’égard des femmes. Il est sévèrement réprimé par plusieurs textes nationaux et internationaux. Au plan international, le mariage précoce viole le droit à l’opinion, à l’éducation et à la protection garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant.

Au plan national, l’article 2 de la loi N°2011-26 du 09 janvier 2011 portant prévention et répression des violences faites aux femmes classe les mariages forcés ou arrangés dans les atteintes qui constituent des violences à l’égard des femmes. Le mariage précoce prive les jeunes filles de leur liberté et de leur capacité à prendre des décisions sur leur propre vie. De plus, il les expose à d’autres violences En fait, en raison de leur jeune âge et de leur dépendance financière, ces filles sont souvent victimes de violences conjugales, sans possibilité de s’en échapper.

Au Bénin, une lutte acharnée est menée depuis de nombreuses années contre ce phénomène à travers la politique Zéro tolérance au mariage des enfants. Hormis le renforcement législatif, une sensibilisation accrue est réalisée envers la population. Une répression sévère vient sanctionner ceux qui persistent dans cette pratique d’une peine d’emprisonnement pouvant aller à trois (03) ans et d’une amende.

Sur le plan social, la population elle-même est impliquée dans la lutte contre ce phénomène. Dans le nord du pays, plusieurs comités villageois de lutte contre le mariage des enfants sont mis en place par le Ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance. En collaboration avec les leaders religieux et les chefs de villages, ils sont chargés de dénoncer et d’empêcher la célébration des mariages d’enfant dans leur village. De plus, un programme de certification des villages exempts de mariage précoce est mis en place et il connaît un véritable succès. À titre d’illustration, 49 villages sont dans l’Atacora sont certifiés exempts de mariage d’enfants.

En bref, le mariage précoce est une pratique imposée à la jeune fille au Bénin et qui reste enraciné dans la conscience ainsi que les habitudes de beaucoup d’habitants. Malgré son impact destructeur et la lutte intensive pour l’éradiquer, il persiste. Pourrons-nous en venir à bout ? Si nous souhaitons voir cet espoir se réaliser, nous devons tous agir. Partagez cet article autour de vous, sensibilisez et dénoncez tous les cas de mariage forcé dont vous avez connaissance.


Une réponse

  1. Merci pour cet article très édifiant.
    Nous avons encore beaucoup à faire pour un monde avec des enfants épanouis.

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