Les enfants en situation de handicap en Côte d’Ivoire : enjeux et perspectives globales

Les enfants en situation de handicap en Côte d’Ivoire : enjeux et perspectives globales

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La convention 61-106 relative aux droits des personnes handicapées précise en son article premier que la personne handicapée est « une personne qui présente des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à sa pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres. » Les personnes en situation de handicap sont celles qui présentes des invalidités, physiques, psychosociales, intellectuelles, à long terme et qui ne sont pas intégrées dans la société pour des digues comme le langage, les attitudes, les obstacles physiques et même souvent du fait des lois.  D’après l’UNICEF, près de 240 millions d’enfants sont handicapés dans le monde.   En Côte-d’Ivoire, l’enfant en situation de handicap se retrouve très souvent isolé et méprisé du reste de la société. Plusieurs raisons sont à l’origine de cette discrimination, parmi lesquelles on retrouve les facteurs traditionnels. Cette exclusion sociale occasionne des conséquences drastiques sur l’épanouissement de l’enfant au sein de la société. Face à cette situation, l’Etat a l’obligation de prendre des mesures pour faciliter l’intégration de l’enfant au sein de la société. La population également doit comprendre que l’enfant en situation de handicap jouit pleinement des mêmes droits que les autres enfants et en raison de sa situation doit bénéficier d’une attention particulière.

En dépit des traités internationaux signés par la CI, de la Constitution et de la Loi N0 98-594 du 10 novembre 1998 d’orientation en faveur des personnes handicapées qui détermine la politique générale en faveur des personnes en situation de handicap, la situation des enfants en situation de handicap demeure encore préoccupante.

En réalité, dans certaines traditions ivoiriennes, les enfants en situation de handicap sont perçus comme un malheur qui frappe la famille à laquelle cet enfant appartient. Au regard de ces croyances traditionnelles, l’enfant en situation de handicap est une forme de malédiction, une punition infligée par la providence divine. Dans les cas où cet enfant n’est pas considéré comme tel, ces croyances traditionnelles présentent cet enfant comme un porte-malheur, le signe qu’un drame frappera la famille ou qu’elle sera plongée dans la désolation, à cause du handicap de l’enfant. L’enfant en situation de handicap est parfois perçu comme un sorcier, quelqu’un qui vient apporter le malheur sein de la communauté. Dans certaines zones du pays, vous entendrez la population qualifiée ces enfants-là d’enfants serpents. Souvent, vous pouvez avoir un enfant en situation de handicap dans votre entourage sans avoir connaissance de son existence. Majoritairement dans les zones rurales, il est pratiqué des rituels d’accompagnement dans le but d’éliminer ces enfants « indésirables ». Face aux jugements d’autrui, certains parents décident de garder leurs enfants à la maison, sans jamais les dévoiler.

L’enfant se trouve ainsi marginalisé, négligé, maltraité, dévalorisé, rejeté, exclu de la société.

Au-delà des facteurs traditionnels, on note également une forte ignorance sur le handicap au sein de la société ivoirienne.

La plupart des personnes n’ont pas d’informations, ou n’ont pas les bonnes informations sur le handicap. Certains parents même ne connaissent pas véritablement le handicap que subit leur enfant. Ce constat est observé très souvent chez les parents dont les enfants ont un handicap intellectuel. Ces enfants sont perçus comme des êtres paradoxaux, comme des sous-hommes dont le handicap pourrait contaminer les autres enfants. Dans le jargon ivoirien, ils sont péjorativement appelés enfants « bêtes bêtes », et sont victimes de moqueries de la part des autres enfants, parfois même des adultes.

Ces enfants en situation de handicap se retrouvent abandonner à leur sort, triste réalité, discriminés, rejetés par leurs parents et par la société.

L’enfant en situation de handicap subit d’énormes frustrations du fait du regard d’autrui sur sa personne. En effet, le fait que les gens le considèrent comme le présage d’un malheur, comme une punition divine ou encore comme un sorcier dévalorise l’image que l’enfant a de lui-même. Vivre dans un environnement où il est constamment jugé et perçu comme différent peut entrainer une faible estime de soi. L’image que la société lui présente de lui-même finit par avoir des répercussions sur l’estime de sa propre personne. Cela peut affecter sa confiance, sa motivation et sa capacité à interagir avec les autres. Il finit donc par se voir comme un malheur pour sa famille, un enfant « maudit ». La maxime de Nicolas BOILEAU s’illustre bien ici quand il dit que « le mal qu’on dit d’autrui ne produit que du mal ».

L’enfant non seulement perd l’estime de sa personne mais également se renferme sur lui-même. Ce reflexe de se renfermer sur lui-même émane de la peur qu’il a d’être jugé, du stress de ne pas être accepté, l’enfant donc s’isole. En fait, l’isolement est le fait d’être totalement coupé du monde extérieur et des gens, c’est un état physique. L’enfant se referme sur lui-même et se protège de tout. Il préfère rester seul et accumule les pensées négatives sur lui-même. L’isolement peut rapidement devenir un cercle vicieux. L’enfant en situation de handicap qui s’isole peut sombrer dans l’anxiété, plus gave, dans la dépression.

Au-delà des éléments présentés, c’est aussi le droit à l’éducation de cet enfant qui s’envole : l’enfant est exclu du système éducatif. Certains parents refusent d’envoyer leur enfant vivant en situation de handicap à l’école parce qu’ils estiment que cela ne servirait à rien. En réalité, certains parents refusent d’envoyer leur enfant en situation de handicap à l’école parce que pour eux l’enfant ne pourra pas suivre correctement les cours comme les autres enfants. Pour l’enfant en situation de handicap physique, les parents estiment qu’il lui sera difficile de se rendre à l’école, de participer à certaines activités au sein de l’école. Ils préfèrent garder l’enfant à la maison. Pour l’enfant en situation de handicap intellectuel, les parents pensent qu’il n’est pas fait pour l’école. Quand même l’enfant en situation de handicap va à l’école, le regard de ses camarades ou parfois le traitement que lui infligent ses encadreurs lui fait perdre le goût de l’école. Selon les données les plus récentes de l’UNICEF en 2023, seulement 26% des enfants vivant avec un handicap en Côte d’Ivoire avait accès à l’éducation. Une marge donc de 74% d’entre eux n’étant pas scolarisée.

On note ainsi que l’exclusion des enfants en situation de handicap les prive de l’éducation de base et d’opportunités futures pour leur développement personnel et professionnel. Les enfants vivant en situation de handicap sont plus exposés aux abus physiques, verbaux et psychologiques. Parfois, à cause des préjugés, certains enfants n’ont pas accès aux soins de santé, à la réadaptation ou aux services sociaux, car les gens considèrent qu’ils n’en valent pas la peine.

La stigmatisation se transmet en boucle, de génération en génération. Les enfants grandissent dans une société qui ne valorise pas la différence, ce qui perpétue l’exclusion et la discrimination. EN Côte-d’Ivoire, la stigmatisation des enfants en situation de handicap entraine leur exclusion de l’école, une faible estime de soi, un isolement social et une plus grande vulnérabilité aux abus. Elle limite leur accès à des soins de santé, et donc à un droit fondamental, perpétuant ainsi un cycle de discrimination et d’exclusion.

Les enfants, qu’ils soient en situation de handicap ou non jouissent des mêmes droits : droit à l’éducation, à la santé, droit à l’épanouissement ainsi que le droit à la protection contre toutes formes de violences, d’abus et d’exploitation.

Pour inclure et valoriser les enfants en situation de handicap, plusieurs actions peuvent etre mise en œuvre à plusieurs niveaux :

  • Renforcer la législation en faveur des enfants en situation de handicap

En Côte d’Ivoire, il y a des dispositions légales qui protègent les enfants nec situation de handicap. L’article 4 de la Constitution garantit l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race, de sexe ou de handicap, l’article 32 reconnaît le droit à l’éducation pour tous, y compris les enfants handicapés. La Loi n° 98-594 du 10 novembre 1998 relative à l’éducation prône une éducation inclusive, et stipule que l’État prend des mesures spéciales pour les enfants à besoins spécifiques, notamment ceux vivant avec un handicap. La Loi n° 96-594 du 10 août 1996 portant Code de l’Enfant reconnait les droits spécifiques des enfants vivant avec un handicap, notamment en matière de santé, d’éducation, et de protection contre la discrimination. La Loi n° 2014-131 du 24 mars 2014 relative à la protection des personnes handicapées : c’est le texte de référence pour la protection des personnes en situation de handicap, y compris les enfants.

Cette loi aborde le droit à l’éducation adaptée, l’accès aux services sociaux et de santé, la lutte contre les discriminations. Cependant, le cadre légal relatif aux droits de l’enfant en situation de handicap doit etre renforcé. Renforcer le cadre légal sur les enfants en situation de handicap en Côte-d’Ivoire est une démarche essentielle pour garantir leur inclusion, leur protection et leur épanouissement. L’Etat à travers son pouvoir législatif doit adopter des lois spécifiques et adaptées aux enfants en situation de handicap. L’Etat doit s’assurer de l’application effective de ces dispositions sur l’ensemble du territoire ivoirien en mettant en place des dispositifs de suivi et de contrôle.

  • Le changement des mentalités

L’Etat, les collectivités territoriales, les organisations de défenses et de protections des droits de l’homme et plus particulièrement des droits de l’enfant doivent sensibiliser les communautés, et les écoles sur le handicap pour combattre les préjugés et la peur de lac différence.  Il faut également promouvoir des campagnes d’information positives montrant les capacités et les réussites d’enfants vivant en situation de handicap.

  • Favoriser une éducation inclusive

L’Etat doit adapter les infrastructures scolaires en y associant des rampes, des toilettes accessibles, former les enseignants à accueillir et accompagner les enfants en situation de handicap. Il faut également fournir le matériel pédagogique adapté tels que les brailles, le langage des signes etc.

  • Renforcer l’accès aux soins et aux services spécialisés

L’objectif est de garantir un accès équitable et de qualité aux soins de santé pour tous les enfants en situation de handicap, développer un réseau de services spécialisés sur tout le territoire et d’intégrer le handicap dans les politiques nationales de santé maternelle, infantile et scolaire. Il faut donc intégrer un module obligatoire sur le handicap dans la formation initiale et continue des médecins, infirmiers, sage-femmes, créer des unités spécialisées pour enfants handicapés dans les CHU, hôpitaux régionaux et certains centres de santé urbains, subventionner l’accès aux soins pour les enfants handicapés à travers une prise en charge gratuite ou à coût réduit. Il faut également assurer un dépistage précoce des handicaps et mettre en place des centres de rééducation, de suivi psychologique et des aides techniques.

  • Soutenir les familles

En Côte d’Ivoire, les familles d’enfants en situation de handicap jouent un rôle central, mais elles sont souvent livrées à elles-mêmes, sans ressources ni accompagnement. Il faut donc offrir un accompagnement social, financier et psychologique aux parents et créer des espaces de parole et de soutien entre famille vivant des situations similaires. Soutenir les familles, c’est soutenir l’enfant lui-même. Il faut passer d’une approche de charité à une approche de droits et de solidarité active, en renforçant les capacités des familles à vivre dignement et à accompagner leurs enfants vers l’autonomie.

  • Donner la parole aux enfants

Donner la parole aux enfants en situation de handicap, c’est leur reconnaître un statut d’acteurs à part entière de la société, porteurs de droits, d’idées, de ressentis. C’est aussi un levier puissant d’inclusion, de dignité et de changement social.

Trop souvent, ces enfants sont invisibles dans les décisions qui les concernent (éducation, santé, services sociaux…). Ils sont considérés comme « passifs » alors qu’ils ont des choses à dire sur leur quotidien, leurs besoins, leurs rêves. La participation active favorise leur estime de soi, leur autonomie et leur intégration sociale. Il faut promouvoir la participation citoyenne des enfants en situation de handicap, créer des espaces sûrs et accessibles où leur voix peut s’exprimer, intégrer leurs opinions dans les politiques publiques et les projets qui les concernent. Il faut sensibiliser les familles et communautés à l’importance d’écouter leurs enfants, même en cas de handicap, protéger les enfants contre toute forme de représailles ou de moqueries lorsqu’ils s’expriment, créer des espaces sécurisés, en ligne et hors ligne, pour qu’ils puissent parler librement.

Malgré les engagements juridiques et politiques pris par la Côte d’Ivoire, les enfants en situation de handicap restent parmi les plus vulnérables et marginalisés de la société. Leur quotidien est marqué par des obstacles multiples : accès limité à l’éducation, aux soins, à la mobilité, à la protection sociale, ainsi qu’une stigmatisation sociale persistante.

Le cadre légal, bien que relativement avancé sur le papier (notamment avec la loi de 2014 sur les personnes handicapées et la ratification de la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées), manque d’effectivité et d’outils concrets de mise en œuvre ciblant spécifiquement les enfants. Les familles, souvent laissées seules face aux défis, ont un besoin urgent de soutien psychologique, financier et institutionnel.

Pour faire de l’inclusion une réalité, il est impératif d’adopter une approche globale et intersectorielle : renforcer les dispositifs juridiques, investir dans les services spécialisés, former les acteurs sociaux, et surtout, écouter et valoriser la parole des enfants eux-mêmes.

Soutenir les enfants en situation de handicap, c’est défendre le droit à la dignité, à l’égalité et à la citoyenneté pour tous. C’est également un enjeu de justice sociale, de développement durable et de paix.


Juriste Consultant Indépendant | Spécialiste en droit international des droits de l’hommeResponsable du pôle chargé des affaires sociales, des investigations et du contentieux du RéJADE.

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