La Côte d’Ivoire, pays d’Afrique de l’Ouest, est citée parmi les États en voie d’émergence. Pourtant, cette image n’empêche pas une réalité alarmante : celle des enfants contraints de travailler dès le plus jeune âge.
Dans un État de droit, cela paraît inadmissible. La Constitution ivoirienne, en son article 6, dispose pourtant que « l’État assure la protection des enfants, des personnes âgées et des personnes handicapées ».
L’enfant, juridiquement considéré comme un mineur, fait partie des personnes vulnérables que la loi entend protéger. Cependant, dans la pratique, beaucoup sont abandonnés à leur sort, exploités dans les champs, les marchés, les garages, parfois même dans des conditions proches de l’esclavage : c’est le cas lorsqu’ils travaillent dans le secteur agricole comme le cacao.
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le travail des enfants prive ces derniers de leur enfance, de leur dignité et nuit gravement à leur développement physique et mental. La Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant doit guider toutes décisions le concernant, afin de garantir un développement harmonieux.
L’article 3 de la Constitution ivoirienne de 2016 interdit l’esclavage, le travail forcé et tout traitement inhumain. Mais ces dispositions sont souvent ignorées ou banalisées.
Notre objectif ici est d’informer, de dénoncer ces pratiques abusives et d’appeler à une prise de conscience collective.
Comprendre le phénomène du travail des enfants, c’est d’abord analyser ses causes profondes (I), puis en mesurer les conséquences sur l’enfant et la société (II), avant de proposer des solutions concrètes pour y mettre fin (III).
I.DES MOTIFS PROFONDS DU TRAVAIL DES ENFANTS
La principale cause du travail des enfants est, sans aucun doute, la pauvreté, qui pousse de nombreuses familles à considérer leurs enfants comme une source de main-d’œuvre nécessaire à leur survie puisqu’elles vivent dans des conditions économiques précaires, les contraignant à les faire travailler pour subvenir aux besoins essentiels du foyer.
Cependant, un autre facteur déterminant ne doit pas être ignoré : le poids des traditions et des pratiques culturelles. Dans certaines communautés rurales, le travail des enfants est perçu comme une étape normale de socialisation et d’apprentissage. Cette perception culturelle peut conduire à une acceptation tacite du phénomène, rendant sa lutte plus complexe.
Compte tenu du fait que l’économie ivoirienne repose largement sur l’agriculture, en particulier la culture du cacao, les exploitations agricoles, se font souvent par famille, intégrant ainsi les enfants dans les travaux ce qui éventuellement expose un grand nombre d’enfants à des conditions de travail dangereuses.
Enfin, le manque d’infrastructures scolaires constitue un facteur déterminant dans la persistance du travail des enfants. Par exemple, dans des localités comme Opouyo (région de Soubré), on constate que plusieurs enfants en âge d’aller à l’école se retrouvent contraints de travailler dans les plantations de cacao dans des conditions difficiles. Cela s’explique en grande partie par l’insuffisance d’établissements scolaires de proximité et de services de soutien social, qui privent ces enfants d’un accès régulier à d’une éducation de qualité. En l’absence de structures éducatives et de dispositifs de protection adaptés, ces jeunes sont souvent amenés à contribuer aux revenus familiaux dès leur plus jeune âge, au détriment de leur développement intellectuel.
Toutefois, ce problème plus qu’important expose des effets aussi inévitables que visibles à l’égard de la société mais surtout de l’enfant.
II.DES CONSEQUENCES DEVASTATRICES POUR L’ENFANT ET LA SOCIETE
Les conséquences du travail des enfants en Côte d’Ivoire sont nombreuses et profondes.
Sur le plan personnel, ces enfants qui travaillent subissent de graves atteintes à leur santé physique et mentale. Ils sont exposés à des risques d’accidents, de blessures vu la manipulation des outils dangereux ou des produits chimiques et, vivent un épuisement qui compromet, freine leur développement normal. Leurs capacités intellectuelles et émotionnelles se trouvent également fragilisées, du fait du stress et l’absence d’enfant : on peut parler de déséquilibre psychologique.
Au niveau de l’éducation, l’engagement précoce dans le travail empêche l’accès régulier et de qualité à l’instruction. Cette privation d’éducation limite leurs perspectives futures et contribue à maintenir le cycle de la pauvreté, rendant difficile toute amélioration des conditions de vie tant pour eux que pour leurs familles.
Enfin, sur le plan social, le recours massif au travail des enfants nuit à la cohésion sociale et fragilise la crédibilité des systèmes de protection et des institutions chargées de garantir les droits fondamentaux. Cela engendre une inégalité structurelle et contribue à la perpétuation de pratiques injustes, renforçant ainsi un climat de vulnérabilité qui affecte l’ensemble de la société ivoirienne ce qui met en péril l’avenir du pays.
Censés être protégés, ils se retrouvent dans des conditions déplorables extérieures à leurs volontés mettant en doute l’utilité même des Droits de l’enfant établis dans certaines conventions puisque celles-ci ne sont pas respectées. En faisant silence sur ces abus, il reviendrait à dire que l’État ne s’implique pas dans l’épanouissement et le développement sain des enfants minimisant donc l’impact que cela pourrait avoir sur la société future.
III.DES RECOMMANDATIONS POUR UNE ACTION EFFICACE
Face à la persistance du travail des enfants, des mesures doivent être mises en place à plusieurs niveaux pour éradiquer ce fléau et garantir le bien-être des enfants.
Au plan international, les organisations internationales ont un rôle majeur à jouer dans l’élimination du travail des enfants à travers des actions telles que :
- La promotion des conventions internationales : L’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’UNICEF doivent insister sur l’application des conventions comme la Convention n°138 parlant de l’âge minimum d’admission à l’emploi et la Convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants.
- Le renforcement et la promotion des textes juridiques internationaux
- L’appui aux pays vulnérables : Les Nations Unies et les ONG internationales doivent aider les États à adopter des politiques adaptées, en leur fournissant des ressources financières et techniques. Pour les pays en voie de développement et ceux non développés précisément en Afrique, faudrait qu’ils reçoivent des soutiens de sorte à mener à bien cette grande lutte.
- Le suivi et les sanctions : La mise en place de mécanismes de suivi pour identifier et sanctionner les entreprises exploitant le travail des enfants, notamment dans les secteurs comme le cacao, les mines et le textile.
Au plan régional, l’Afrique, confrontée à cette problématique, a adopté des mesures spécifiques pour y faire face :
- L’application effective de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant : Cette charte met en avant la nécessité de garantir non seulement les droits des enfants, mais aussi leur bien-être. Sa mise en œuvre effective par les États membres est essentielle.
- La coopération entre États africains : La lutte contre la traite et l’exploitation des enfants nécessite une coopération transfrontalière entre pays africains pour démanteler les réseaux.
Puis, au plan national, malgré l’existence de nombreux textes de protection, le travail des enfants reste un problème en Côte d’Ivoire. Des solutions spécifiques doivent être envisagées :
- Le renforcement du cadre juridique et son application stricte : Il faut combler les lacunes juridiques et veiller à l’application effective des lois interdisant le travail des enfants.
- Éduquer la population parents et enfants de l’impact de ces pratiques sur l’avenir de leurs familles mais surtout sur leur santé.
- L’intégration de la problématique dans les politiques publiques : Les gouvernements ivoiriens doivent intégrer des stratégies spécifiques pour éradiquer le travail des enfants dans leurs plans de développement économique et social.
- L’augmentation du nombre d’écoles, en particulier dans les zones rurales, est une priorité. La gratuité étant établie, faudrait amoindrir les formalités pour les inscriptions à l’école ou en ce qui concerne les bourses car cela ne facilite pas l’accès de tous.
- Instruire sur le discernement entre les notions d’aide familiale et de main d’œuvre en faisant des rencontres avec les familles dans ces milieux ou en procédant à une communication dans les différentes zones concernées en insistant sur le fait que l’aide familiale est temporaire et formatrice (ex. aider après l’école, apprendre une activité), tandis que le travail infantile est permanent, épuisant et remplace l’école.
- La lutte contre la pauvreté des familles : La précarité économique est l’un des facteurs majeurs expliquant le recours au travail des enfants. Des programmes de soutien aux familles vulnérables existent déjà mais faudrait insister sur une grande ouverture du marché de l’emploi accessible à tous que ce soit pour les jeunes ou les adultes en fonction de leur aptitude ainsi que d’autres critères de sorte à favoriser une main d’œuvre abondante dans ces secteurs d’activité.
- La sensibilisation et l’implication de la société civile : Il est nécessaire d’intensifier les campagnes de sensibilisation auprès des populations locales, afin qu’elles comprennent l’importance de l’éducation et les dangers du travail infantile.
Le travail des enfants reste une réalité criante en Côte d’Ivoire, malgré les textes juridiques et les engagements internationaux. Derrière les statistiques se cachent des visages : ceux d’enfants privés de leur droit fondamental à l’éducation, à la santé et à l’épanouissement.
L’avenir du pays, dit-on, appartient à sa jeunesse. Mais comment bâtir une nation prospère si une partie de cette jeunesse grandit dans la souffrance et l’exploitation ?
Il est urgent que l’État, les familles, la société civile et la communauté internationale unissent leurs efforts. La protection des enfants ne doit pas rester une promesse sur le papier mais devenir une réalité vécue.
En écoutant les pleurs des enfants qui travaillent aujourd’hui, nous devons répondre non par l’indifférence, mais par l’action.
En écoutant les pleurs des enfants qui travaillent aujourd’hui, nous devons répondre non par l’indifférence, mais par l’action collective. Ne pas agir, c’est accepter de condamner notre propre avenir.
Anne-Michèle DANHO
Étudiante en Droit / Membre du Pôle chargé des Affaires Sociales, Investigations et Contentieux du sein du RéJADE
Moyerannemichele@gmail.com 01-41-87-28-03
Une réponse
Maître Anne Michelle, ton texte porte une voix nécessaire, lucide et profondément engagée. Tu poses des mots sur une réalité trop souvent tue, et tu le fais avec une clarté qui interpelle. Ce genre de prise de position mérite d’être poursuivi, approfondi, partagé. Continue à écrire, à dénoncer, à proposer — car c’est par ce type d’élan que les consciences s’éveillent et que les transformations deviennent possibles. Ta plume est un levier :